Editorial
Un numéro dédié au jeu! Le jeu didactique, un instrument efficace, créatif et malléable pour enrichir et dynamiser les activités d’enseignement et d’apprentissage. Si l’homme ne devient véritablement lui-même que quand il joue, le jeu est donc propice pour amener la dimension de l’authenticité dans l’enseignement des L2. Le jeu didactique en effet est plein de ressources, tant pour les plus jeunes qui l’accueillent avec spontanéité que pour les adultes qui, après avoir manifesté quelque réticence à rendre ludique une chose aussi sérieuse que l’apprentissage, se prennent au jeu avec autant d’enthousiasme que les petits! Le jeu est un parent proche de l’art; c’est pourquoi les illustrations choisies veulent donner une note légère et stimulante au graphisme du numéro. Mais le jeu est aussi métaphore aidant à saisir les problèmes “sérieux”. Ainsi Johan Huizinga, l’auteur du célèbre Homo ludens, un des beaux livres du XXème siècle qui ne saurait manquer dans une bibliothèque, se demandait si notre époque n’était pas la seule à avoir oublié le sens du jeu et de ses règles. C’était peu avant la Seconde Guerre mondiale, pourtant, en considérant l’actualité nous ne pouvons éviter la triste impression que le non respect des règles est en train de devenir une constante de cette civilisation moderne en crise évidente.
Retirons notre attention des dramatiques événements belliqueux de ces derniers temps et tournons-la sur les petites questions linguistiques de notre pays: les constatations que nous pouvons faire ne sont pas très différentes. Souvenons-nous: il n’y a pas si longtemps le Canton de Zurich forçait les règles du jeu confédéral en lançant l’introduction de l’anglais précoce en priorité sur une langue nationale. Ce choix vient d’être reconfirmé. En risposte, la Suisse romande a revendiqué en choeur le principe d’une langue nationale, dans ce cas l’allemand (ce mal-aimé) comme première L2. En ceci elle est soutenue par les cantons de la Suisse nord-occidentale, ses voisins. On joue serré, c’était à prévoir. Presque tous les jeux ont des gagnants et des perdants mais en l’occurence on ne voit pas bien qui peut gagner quoi que ce soit d’un conflit toujours plus tendu. On a plutôt l’impresssion que c’est le pays tout entier qui y perd et qui assiste au sacrifice des considérables ressources linguistiques - et culturelles – dont il dispose sur l’autel d’intérêts particuliers notamment ceux du Canton de Zurich, et à l’impuissance de la Confédération dépourvue d’instruments pour défendre les aspirations communes d’une nation plurilingue et pluriculturelle. Un espoir à l’horizon? la nouvelle loi fédérale sur les langues va-t-elle permettre de redresser la barre et de redéfinir les règles? le Conseil fédéral est en train de rédiger le message et le Parlement va bientôt s’en occuper. Babylonia et la Fondation Langues et Cultures ont bien l’intention de s’engager à fond afin qu’il en sorte un instrument digne d’un pays qui doit une bonne partie de son identité à la richesse linguistique et culturelle.
La rédaction