La Revue pour l'enseignement et l'apprentissage des langues

Editorial

De nombreux cours de langue viennent d’arriver sur le marché, pour l’enseignement de l’allemand en particulier. Un tel élargissement du choix d’ouvrages devrait nous réjouir! Devrait… car un examen plus approfondi montre que le choix n’est pas vraiment plus grand: systématiquement basés sur les niveaux de compétences du cadre européen de référence ou sur Profile Deutsch, exhibant avec fierté un label de qualité indiquant les niveaux de compétence qui seront atteints, tous ces ouvrages se ressemblent! Certes ils garantissent une préparation idéale en vue de l’obtention des certificats internationaux reconnus aujourd’hui en Europe. Mais, en contre-partie, ils ne s’encombrent plus de détails: il y aurait une différence, dans le processus d’acquisition, entre le développement des compétences réceptives et des compétences productives? il serait plus difficile d’atteindre un haut niveau de compétence pour l’expression orale que pour la lecture? il serait discutable d’établir les niveaux exclusivement en fonction des exigences du marché, indépendamment des langues étudiées – comme si l’apprentissage de l’allemand et de l’anglais, pour un francophone par exemple, étaient équivalents? De tels constats sont ignorés: ces subtilités ne font pas vendre!
En Italie par exemple, la popularité des certificats internationaux est aujourd’hui incroyable, même dans les écoles qui ont toutes adopté les mêmes objectifs, formulés en termes de niveaux, et les mêmes tests. Et les effets sont inquiétants: les élèves ne se préparent plus qu’en fonction des examens, le bachotage devient la règle…
Où peut-on encore retrouver – dans ce qui apparait bien, pour le domaine de l’enseignement des L2, comme l’expression de la “globalisation” – des finalités qui seraient celles d’une école visant à une formation générale, plurilingue, des élèves? Y a-t-il encore place pour une certaine différenciation, tenant compte des contextes sociaux, des besoins et intérêts des élèves?
Dans ce contexte, à quoi pourrait bien encore servir le portfolio des langues? Que deviennent les intentions généreuses du Conseil de l’Europe? Une telle évolution n’était certainement pas le but de ceux qui ont développé le Cadre européen de référence. Celui-ci a sans aucun doute eu des effets positifs, mais on n’a probablement pas suffisamment réfléchi aux risques d’uniformisation induits à la fois par l’explicitation des niveaux et par les mécanismes du marché, en particulier dans le domaine des manuels d’enseignement.
Ce mouvement d’homogénéisation semble plus avancé pour le DAF que pour l’ESL. Est-ce dû à une spécificité de la didactique de l’allemand? Ou les Anglais sont-ils simplement un peu en retard? Ces derniers sont en effet eux aussi en train d’élaborer un profile English. Celui-ci confirmera-t-il nos craintes ou ira-t-il vers une meilleure prise en compte des besoins de l’apprenant?…

Gé Stoks