La Rivista per l'insegnamento e l'apprendimento delle lingue

Comment ne pas nommer une langue?

Le cas du kurde dans le discours juridique turc

Salih Akin
Rouen

Der nebenstehende Beitrag handelt von den Schwierigkeiten, die sich bei der Benennung des Kurdischen als Sprache in juristischen türkischen Texten stellen. Diese Schwierigkeiten gehen zurück auf die Politik der 20er Jahre des letzten Jahrhunderts, als man versuchte, die Existenz der in der Türkei lebenden Kurden als ethnische Gruppe zu leugnen und dies durch eine strenge sprachliche Reglementierung zu untermauern. Auch heute noch kommt der Name des Kurdischen und seiner Sprecher in türkischen Gesetzestexten nicht vor. So wird die sprachliche und kulturelle Realität von mehr als 15 Millionen Bürgern ausgeblendet, für die Kurdisch Muttersprache und Kommunikationsmittel geblieben ist - eine Strategie sowohl des Ausschlusses als auch der Gleichmachung, die trotz einer gewissen Liberalisierung der türkischen Sprachenpolitik in den letzten Jahren noch keine Wirkung in der Praxis zeigte und es den Kurden z.B. weiterhin nicht erlaubt, ihre Sprache innerhalb des öffentlichen Bildungswesens zu lehren und zu lernen.

L’une des fonctions essentielles du nom est de rendre présents les objets du monde, de les porter à l’existence. S’il est difficile d’envisager un objet sans nom, puisque tout tend à être nommé dans le réel, il est impossible de concevoir un nom sans l’objet qu’il sert à désigner: le nom est toujours le nom de quelque chose. De par son existence, il catégorise et renvoie à un segment du réel, en servant de médiation entre le monde et le langage. Dans ce rapport dialectique, l’usage du nom revêt bien entendu une importance particulière: dire le nom d’un objet revient à en reconnaître l’existence, à lui faire une place dans l’ensemble des segments constitutifs du réel. Inversement, ne pas dire le nom et l’éviter traduisent un rapport conflictuel à l’égard de l’objet qu’il sert à nommer.
La situation de la langue kurde en Turquie est à cet égard exemplaire: le discours officiel turc ne reconnaît tout simplement pas la langue de plus de 15 millions de citoyens, pas plus qu’il ne reconnaît l’existence du nom de ces citoyens. Il s’agit peut-être d’un cas unique au monde, où le nom est placé au centre d’une lutte acharnée entre un pouvoir obstiné à ne pas reconnaître le kurde et d’autre part le mouvement mené par les Kurdes pour faire reconnaître leurs droits linguistiques et culturels fondamentaux.

Une politique de dénégation ethnique
Cette épineuse situation s’enracine dans le projet de dénégation de l’existence des Kurdes en Turquie dans les années 1920. Les premières manifestations de cette politique ont laissé apparaître l’importance cruciale de sa composante langagière. Ainsi, en interdisant les écoles, les associations et les publications kurdes, un décret-loi publié le 3 mars 1924 prohibe en même temps l’emploi des termes “Kurdes” et “Kurdistan” dans toutes les publications comme dans l’usage quotidien. Cette censure-interdiction s’inscrit évidemment dans la vertigineuse illusion qu’en supprimant le nom d’une chose, on peut, à plus ou moins longue échéance, supprimer la chose elle-même. Elle a, comme on s’en doute, posé d’inextricables difficultés langagières aux autorités turques, en mettant au premier plan la question de la mise en mots d’une réalité jusque-là reconnue comme telle et désormais frappée de non-dit. Comment, en effet, désigner des entités ethniques et toponymiques sans utiliser leur dénomination, surtout quand l’idéologie officielle dénie leur existence même? Pour reprendre une expression de B. Gardin (1988), le “devoir dire” de la réalité kurde a mis en évidence qu’une dénégation ethnique ne peut pas ne pas se manifester dans les productions langagières. Manifestations linguistiques de l’autre en discours, les hétéro-désignations “Turcs montagnards” et “Anatolie de l’Est”, mises en circulation, au début des années trente, pour faire référence respectivement au peuple et au territoire kurdes, ont été ainsi les premières à témoigner de cette nécessité de dire l’existence d’une altérité, au niveau même de son déni. Dire autrement, en effet, est encore une façon de dire, dans le gommage des noms frappés d’interdit. [...]

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